La ballade du lépreux - J.P. Milovanoff - Editions Unes 1998

La ballade du lépreux

Editions Unes. 1998.

 

Extrait:

A l’époque où les rois afghans,
du haut de leur trône de sable,
régnaient sur les vents tournoyeurs,
dans cette vallée dont je tais
le nom et la honte à la fois,
une femme donna naissance
au bel enfant dont je découle :
un garçon calme et vigoureux
à la peau douce comme l’huile
qui portait sur son large front
une rose de lèpre blanche.

 

Mon père, le maître de forge,
quand on lui montra mon visage,
leva son marteau de fer rouge.
Un homme lui retint le bras
et lui dit : « L’enfer appartient
de plein droit à ceux qui dénigrent
les fruits que Dieu nous a donnés.
- Qui es-tu, dit le forgeron,
pour oser ainsi m’interrompre ?
-On m’appelle Mahoud le Vif.
Je suis un nomade arrivé
ce matin dans votre village.
Ce soir j’en serai reparti.

 

Je suis prêt à te disputer
cet enfant qui te déshonore :
d’homme à homme je sais combattre
avec la lame ou à poings nus
et j’ai rarement le dessous.
Mais je te propose en échange
de sa vie quatre joyaux noirs
où brûlent tous les feux de l’Inde.
Avec ces diamants tu seras
du côté de ceux qui commandent.
-Que ne gardes-tu tes trésors ?
dit le forgeron irrité.
-J’ai mieux à faire, dit Mahoud.
L’homme à qui j’ai volé ces pierres
m’a jeté un sort en mourant :
Je n’aurais jamais d’héritier. »

 

Le temps que la tresse du thé
retombe trois fois dans la tasse,
mon corps avait changé de maître.
Ma mère- qu’elle soit bénie ! -
approuva ce marché infâme.