La Rosita

Editions Julliard. 1994.

La Rosita - J.P. Milovanoff - Editions Julliard 1994

L’histoire d’Edmond Buisson commence à la fin des années cinquante. Elle a pour décor les paysages du Midi et pour accompagnement le Mambo N° 8 de Pérez Prado. Aimé de tous ceux qui l’approchent mais se détestant lui-même, Edmond vit dans la fascination, puis le souvenir, de son demi-frère Abel

L’œil du critique

La Rosita est le roman chaleureux et triste de l’exacte idée que Milovanoff se fait de l’écriture : « Pour moi un écrivain c’est quelqu’un qui n’accepte pas de faire son deuil des choses, son deuil de sensations bien trop fortes pour lui. » Il croit que la poésie fonde tout, qu’elle a sa place dans les romans, il écrit à haute voix sur son ordinateur, parce que c’est la voix qui fait la langue juste, sur l’écran seulement quelques mots à la fois de plusieurs centimètres de haut, « des objets vivants posés là individuellement comme des verres sur une table », en commençant par la première phrase , celle qui fonde tout : « Il faut être en accord total avec la première phrase, elle ne doit pas être belle mais commander tout le livre, après lorsque je me perds dans l’écriture, je reviens à elle et retrouve le mouvement qui l’a fait naître, je veux la sensation constante d’un début, d’un débutant, je ne veux pas me surprendre à exercer un savoir-faire.»

Jean-Baptiste Harang, L’art est difficile.

Extrait:

A l’intérieur de chaque famille, de chaque clan, de chaque tribu, se tient en retrait un enfant sur qui pèse d’un poids plus fort le fardeau que portent ses proches, sur qui retombent de plus haut les fautes qu’ils ont commises. C’est l’enfant de la distraction, l’idiot, le bossu, le gauche, l’asthmatique, le migraineux. Infirme à ses propres yeux qui sont fort peu enclins à l’indulgence, sa mémoire est remplie des rêves et des ambitions que ses prédécesseurs ont trahis, son espoir ressemble aux prières de son entourage qui ne furent pas exaucées, aux coups de colère des femmes qui vont mourir, aux histoires qu’on se raconte de génération en génération, puis qu’on ne se raconte plus.
L’enfant en retrait de la famille, le petit monstre qui vomit sous l’escalier, ne survit au désastre de la tribu qu’en se prenant lui-même pour ennemi, qu’en se désignant comme cible… »