Lueur

Je ne sais si quelqu’un peut être sauvé par un livre, un tableau, une mélodie ou une conversation dans la rue, mais je crois - c’est une croyance optimiste…- que toute personne sur terre, aussi pénible que soit sa condition ou son existence physique, garde le souvenir d’une lueur, le passage d’un dieu enfui. Cette lumière cachée aux autres, ce feu de joie sous le manteau, Stevenson, dans un texte mémorable, l’appela la lanterne sourde. Pour quelques âmes simples que je ne méprise pas, la lueur s’accrocha au nom d’un cheval qui gagna d’une courte tête au début des années cinquante. Pour certains ce fut une suite de notes sur un piano, ou le silence qui suivit. D’autres se souviennent du jour où quelqu’un a failli leur dire que oui.... Pour un bon à rien comme moi, dont la vie s’apparente à ces débarras pleins de vieux chevaux à bascule et de disques qui ne peuvent plus être écoutés, la lueur qui m’illumina et qui m’embrasa longuement, l’étincelle de mon grenier… ce fut, en dépit du siècle écoulé, la splendeur du corps d’Antonia.